Écrivain, prof à science po, journaliste à SoFoot, Thibaud Leplat est un être à part dans le football français. Une sorte d’exception culturelle à la française. Un homme de lettre pour qui écrire est une vocation et le football un art à part entière. J’ai pu le rencontrer à l’occasion de la sortie de son dernier livre sur Pep Guardiola « Éloge du style ». Rencontre avec un homme de goût.
Comment es tu devenu auteur ?
En écrivant et en lisant, et en écrivant, et en lisant. J’ai une famille de libraires, mes passions sont la littérature et le football. J’étais destiné à une carrière administrative, je jouais au foot depuis l’age de 7 ans, j’ai hésité entre faire carrière dans le foot et science po, au final, j’ai choisi sciences po. La cohérence est toujours rétrospective, mais sur le moment c’est toujours délicat. Jusqu’au jour ou je suis arrivé en Espagne en vacances, j’y étais tellement heureux que j’y suis resté. Là du coup ma deuxième vie a commencé, une vie d’errance et d’écriture footballistique. J’ai commencé dans le journalisme sportif, ma vocation d’écrivain est venue ainsi. L’intérêt de ce métier c’est que cela t’ouvre des portes très rapidement. J’ai fait mes premiers papiers, j’ai bossé pour une agence de presse en Espagne, pour des télés françaises TF1, Canal, Arte. Tout ça s’est fait progressivement, c’est un chemin intérieur. C’est un travail initiatique.
« Je jouais au foot depuis l’age de 7 ans, j’ai hesité entre faire carrière dans le foot et science po, au final j’ai choisi science po. La coherence est toujours rétrospective, mais sur le moment c’est toujours délicat. »
C’est a partir du moment où tu es parti en Espagne que tu as commencé à écrire, pourquoi ?
Parce que j’ai lu des choses. Je me suis rendu compte que tout ce qu’on disait sur la littérature sportive en France était faux dans la mesure où on dit que cela n’existe pas. J’ai lu des journalistes dans « El pais » notamment, des gens qui ont des plumes merveilleuses. Ces gens là sont devenu des amis par le boulot et ces gens là m’ont orienté vers la littérature hispanophone sur le football, qui est une littérature très lyrique, et notamment la littérature argentine. J’ai découvert des auteurs comme Eduardo Galeano, traduit en français (éditons Lux ndlr). Et surtout ma rencontre avec Jorge Valdano, (champion du monde 86 et directeur sportif du réal madrid de 2006 à 2006 ndlr) complètement initiatique. J’ai d’ailleurs pour projet de la traduire. Jorge Valdano, parce que c’est le chaînon manquant, on connaissait des écrivains qui aimaient le football, mais on ne connaissait pas de footballeur devenu écrivain et lui c’est le cas. En plus, c’est une d’une grande qualité littéraire.
Après avoir écrit sur le choc Réal-Barca, sur le PSG et enfin sur Mourinho, pourquoi avoir choisi Pep Guardiola ?
Je me suis servi de lui comme une mise en abîme. Qu’est ce que c’est la littérature sportive ? Utiliser ce personnage là comme une représentation de ce qu’est le goût footballistique. En en faisant un personnage français, avec une attention au style à la forme, le goût de la conversation, de la gourmandise. J’ai fait le choix de faire parler très peu de gens, quasiment que lui. Pour qu’il soit là tout le temps. Faire parler les autres éloignent, ce sont des bouquins de journaliste, ça dit quasiment rien sur le football, ça dit beaucoup sur les à cotés, mais très peu sur le football. Le bouquin de pep, j’ai mis 3 ans avant de pouvoir le vendre à un éditeur. C’est mon premier livre et c’est le quatrième publié. Ça été difficile, c’est pour ça que j’ai fait un bouquin sur José Mourinho, on m’avait dit que Guardiola n’était pas bankable. Les éditeurs sont très réticents à publier en littérature sportive car ils considèrent que c’est un marché clos.
Peux-tu nous parler de « littérature sportive » ?
Je crois que la littérature sportive est une littérature française. Une manière de faire la littérature française c’est de parler football à la française. Un soucis pour la norme tout en ayant le même imaginaire. En France il y a une tradition de littérature sportive, on écrivait sur le football dans les années 50, une tradition qui a perduré dans la boxe et dans vélo. Dans le football, un peu moins, je crois on a du mal a pensé le collectif. On n’arrive pas a passer le complexe, on a arrive pas à penser quelque chose qui ne soit pas individuel. Dans l’esprit Français on le voit comme un phénomène de masse, on n’arrive pas à le voir comme un phénomène personnel, nostalgique. Comme le font les argentins par exemple. Ce qui me gêne avec les intellectuels qui se sont penchés sur le foot, c’est qu’ils se sont penchés justement. avec une condescendance assez abjecte. Il ne parlent pas de foot, c’est un prétexte, il essayent d’anoblir le football en l’accrochant à autre chose comme la sociologie ou la géopolitique. Et finalement ils en font en réalité un symptôme, un analyse clinique du football sans aucune bienveillance. J’ai essayer de me hisser à la hauteur de ça. Oui, la philosophie, oui la littérature me sert à attraper des choses que je n’aurais pas vues si je n’avais pas lu mais j’ai essayé de prendre le phénomène footballistique et me plonger à l’intérieur de lui, et plus tu plonges, et plus tu trouves plein d’autres choses. Guardiola est un personnage parfait pour ça. Lui même revendique les influences extérieurs. Présenter une chose comme la seule interprétation possible c’est presque malhonnête intellectuellement.
Pour finir, quels sont tes classiques en littérature sportive ?
Tout d’abord Eduardo Gualeno « football ombre et lumière », il y a aussi Dante Panzeri « futbol dinamica de lo impensado » – football dynamique de la pensée – c’est un ouvrage théorique de base des années 60 sur « qu’est ce que le football ? », Juan Villoro, auteur mexicain, avec « Dios es redondo » – Dieu est rond – et enfin tous les bouquins de Jorge Valdano.
« Présenter une chose comme la seule interprétation possible c’est presque malhonnête intellectuellement. »
Propos recueillis par S.P
Bibliographie de Thibaud Leplat :
– Pep Guardiola Eloge du style, Hugo et cie – avril 2015
– Ici c’est Paris, PSG l’épopée continue, Solar – octobre 2014
– Le cas Mourinho, hugo et cie – août 2013
– Barcelone- Real Madrid, la guerre des mondes, Hugo et cie – février 2013